Midi-Libre 2001
Exposition « Le retour du chaman »
Castelnau le Lez
"Comme graveur, j’avais cru être mort", l’avenir d’une technique estimée trop ancienne semblait bouché. "J’ai peint un moment parce que des gravures poussaient en moi. Il fallait que je les laisse dormir. Et je les réveille aujourd’hui comme après un long sommeil. Le retour à la gravure est le fruit d’une longue attente. Dans l’obscurité de ce silence, sourdaient en moi les allers-retours constants entre mon monde passé et mon actualité. Le voyage entre hier et aujourd’hui fut une expectative dormante. La gravure y sommeillait. J’espérais un pont, une voie, un passage entre deux mondes, celui de mes origines imprégnées de terre et de végétal et celui d’aujourd’hui pétri de culture et de savoirs. Une gestation muette opérait. J’ai comme donné naissance à un chemin de retour. En gravant à nouveau, je reviens à une exploration délaissée il y a maintenant plus de quinze ans au Pérou. Je retrouve les gestes, non de l’artiste mais du travailleur de la terre: j’entame des sillons, je déracine, je désherbe, je forme des buttes et des drains, je trie les bonnes et les mauvaises herbes".
Quand Walter Barrientos entre à l'Ecole des Beaux Arts de Lima, il existe une vieille lutte de classe entre la peinture - aristocratie des gestes - et la gravure, roturière et laborieuse. Il y trouve pourtant une matérialité forte et chamue, la gestuelle musculeuse du sculpteur associé aux couleurs du peintre. Les effluves mexicaines l'inspirent: Guadalupe Posada en a fait une puissante forme d'expression, un endroit où l'art et l'engagement font une juste noce. Les dances macabres sont d'une éternel actualité et si W. Barrientos leur donne des accents moins politiques que la Posada, il n'en garde pas moins des "calaveras" envahissantes dont se joue le printemps ou qui se jouent du printemps. L'Ecole manque de matériel, le métal fait défaut et il prend l'habitude de se fournir aux "Baratillos", les puces et autres marchés de pauvres. On y vend de tout. Il y cherche des surfasses froissées, des cartons industrielles, des cartes défraîchies, des tissus écharpés. Aujourd'hui encore, Barrientos tisse ensemble des charpies de fer et des lanières de cuir, des morceaux de cordes à de fines dentelles. Ses matrices naissent du rebus, du plus humble et de l'essenciel: l'objet mourrant. "C'est une forme de résistance, dit il, aller chercher l'inutile et lui donner une existence spirituelle". Il traite la gravure comme un équarrissage, le carton est dépecé. Il dit qu'il aime traverser la matérialité de ce qui est abondonné. Il a délaissé les acides pour des modelages plus amples, préféré l'imprégnation à la brûlure. Herbes, pierres, farines, sables et papiers deviennent un tissage presque magique, il les traite en sculpeur pour ce qu'elles ont d'accroche à la lumière, il les vit en sorcier pour ce qu'elles ont de matriciel. Il cherche dans son travail des gestes plus que des formes, ceux des métiers anciens, ceux de l'orfèvre, de la dentellière ou du dinandier. L'acte de graver est la recherche d'un sens englouti. On dirait qu'il y voit des formes du premier monde: des froissements des premières failles, les mouvements telluriques. Une ancestrale peur du vide et de l'invisible le pousse à agir et provoquer une tectonique nouvelle: "Je veux que le papier souffre, explose et soit poussé au maximum de sa résistance. Je veux qu'il porte la trace de cette lutte.".
Charlotte Castan - Nîmes - Mai 2011
Walter Barrientos, 50 ans, un visage cuivré et une très longue natte d'un noir de jais. Ce Péruvien qui s'apprête à exposer à Copenhague a manqué de devenir prêtre. C'est un concours de dessin déc ouvert dans la presse locale qui lui fait oublier la soutane. Depuis, il n'a de cesse de traverser le temps en quête perpétuelle d'un signe ou d'un message.
Parlez-nous un peu de votre enfance.
Je suis né dans un village du Pérou à 4 000 mètres d'altitude. Jusqu'à 13 ans, j'étais nomade, j'ignorais tout de l'école. A 15 ans, je suis allé à Cuzco, la capitale, pour étudier. Le choc entre la vie rurale et la vie citadine a été terrible.
Chez vous, c'était le Moyen âge ?
Absolument. Dans mon village, il n'y avait ni eau courante ni électricité. On vivait à l'ancienne. On ne parlait d'ailleurs pas le péruvien, mais un dialecte. A l'école, au début, je ne comprenais pas la langue. Je me sentais isolé. Seul le dessin me passionnait et me permettait de sortir un peu de mes réflexions. Après le collège, je suis parti à Lima pour gagner ma vie. Durant trois mois, j'ai été policier. Je n'aimais pas. Je suis retourné dans mon village pour suivre l'enseignement du chaman et suivre un petit groupe qui aidait les miséreux, notamment les prisonniers.
A l'époque, le pays est en guerre avec le Sentier Lumineux…
Absolument. Rien n'était très simple. Le pays était très militarisé. Ma famille a été persécutée, ma mère accusée de terrorisme. Je deviens vendeur de journaux. « El caballo rojo » est notamment celui où j'ai beaucoup appris. C'est là que je découvre une annonce d'un concours des Beaux-Arts. Un vrai coup de cœur pour moi. J'ai choisi la section gravure et obtenu un prix.
Vous arrivez ensuite en France ?
Oui durant trois ans je vais finir mes études aux Beaux-Arts de Montpellier. Mon destin est scellé.
Walter ou écrire l'histoire du monde comme
une longue file d'homme en exode.
Inapte à l'amertume, il y a un homme en cette terre des hommes tristes qui rit comme un astre et fait des noises toujours polies aux échelles du bon goût et de la théorie. Il tient à distance respectueuse la petite colonne de mots qui le suit, en rangs militaires, comme des petits élèves sages et complaisants et qui lui renvoie en miroir son image de peintre du nouveau monde bardé du fardeau de préhispaniques nostalgies. Et ceux qui lui plantent une plume d'indien comme un emblème muséographique sur sa chevelure noire ignorent en sourdine que chacune de ces mèches plonge aux racines des roches les plus universelles qui se scarifient dans le cœur des hommes.
San travail est d'ailleurs celui du géologue ; il écorche, il burine, il dénoue les fissures du papier. Il décèle avec les ongles les strates de tout ce qui se raconte dans les anciennes archives ou les ardoises bleues. Il ré-exécute la longue patience des pierres sur ses toiles et ses dessins. Une longue succession, les alluvions du doute et de la prospérité, celles de l'amour et de son sourire lunaire. Puis ses toiles et dessins sédimentent sous son matelas pour « s'imprégner des ses rêves », comme il dit, pendant de longues nuits et de longs sommeils lourds. Car il dort,lourdement comme un percheron étoilé qui aurait labouré, en un jour, toute une voie lactée.
J'ai feuilleté un jour avec lui, un vieux livre de comptes, trouvé dans les fatras humides d'un brocanteur de Montpellier. J'aime la façon qu'il a de tourner les pages, avec ses lourdes mains mordorées qui ont l'assurance des gestes agricoles de ceux qui ont l'habitude de redresser les troupeaux et d'empoigner les animeaux rétifs. Elles sont toujours chaudes et vivantes, pressantes et sans partage.
Nous avons lu quarante années peut-être des comptes méticuleux d'un anonyme de l'histoire, dont l'écriture s'usa à l'inventaire in fatigable des recettes et des dépenses d'un petit ménage ou d'un homme seul. L'écricture finit par trembler et grossir, les voyelles au galbe irrégulier jusqu'au malaise sautèrent des lignes – puis Walter dit « là, quelqu'un d'autre a repris le travail ». Une écriture robuste et musclée reprenait en effet le décompte inlassable : « 6 francs, Collette, 25 francs et quinze centimes, fournitures... ». Nous étions émus tous les deux par le pointe ment sourd et lent de la mort dans la graphie appliquée d'un bon élève de la troisième République devenant vieillard. Je savais qu'il y avait là, pour Walter et pour moi, toute l'histoire humaine de ceux qui veulent inscrire le temps mais n'en trouvent ni les couleurs ni les mots, réduits à inscrire la mathématique quotidienne de leurs jours dans des carnets de compte pour construire un visage à leur mémoire et à leur postérité.
Le labeur du peintre en diffère à peine. Il peint depuis longtemps déjà des caravanes humaines qu'on peut entendre marcher au rythme tenace d'un corrido mexicain. Il sait écrire l'histoire – car il connaît en l'homme le nomade et le sédentaire, l'un en gare et l'autre en terre. Oui, comme la compleinte d'un corrido ou d'une cronique ancienne qui énumère les étapes de l'exode, où le troupeau des nations marche en file comme les caravanes d'un très long, très long cirque. On emmène les bêtes et un coq sous le bras pour se sentir berger et se faire croire qu'on suit un chemin saisonnier de transhumance. Mais certains enfourchant les chevaux à l'envers pour rire, en saltimbanque de la cavalcade absurde des hommes en exode éternel.
Dans cette traversée, d'un tableau à l'autre, peu s'arrête – sinon les archanges dans la pose de l'extase ou de l'effroi.
Le sourire de Walter est solaire, grand ouvert comme les bras de ces archanges ? Le ciel devient vert lorsqu'il pense. Des arbres prennent racine sur son crâne comme sur ceux de ces aïeuls en exil.
Charlotte Castan, Avignon, Janvier 2001
(Publication dans diverses catalogues d'exposition)
Ser Cuzqueño,
Ser nativo de la capital del incanato no nos puede dejar indiferentes. Fue en esta cuidad en la época del inicio del colonialismo español (enel siglo XVI) que se forjaron el mestizaje el sincretismo cultural.
El màs alto exponente de esta nueva realidad peruana es el extraordinario cronista cuzqueño Garcilaso Inca de la Vega, hijo del Capitàn Sebastian Garcilaso de la Vega y Vargas y de la Princesa Isabel Chimpu Ocllo, nieta del legedario Inca Huayna Capac.
Walter Barrientos es un exelente ejemplo de este choque/encuentro de culturas. Para comprender mejor la obra de este talentoso artista, creo que no esta ademàs definir lo que se entiende por « Ser artista latinoamericano ».
La indentidad social y cultural del artista, como la que cualquier individuo, esta en relacion directa con sus vivencias, en particular con las de su infancia y de su adolescencia, la cuales juegan un rol importante en todas sus actividades.
La majorìa de los artistas latinoamericanos, aùn los que han emigrado voluntaria o involuntariamente, traen en si esta carga que los diferencia de los artistas de los otros continentes, aùn cuando utilizan el mismo lenguaje plàstico.
Los paìses latinoamericanos son culturalmente mestizos ; no se puede hacer el anàlisis de su expresiòn artìstica sin tener consciencia de este fenòmeno.
Los que reclaman cierto folklorismo en la expresiòn latinoamericana estàn haciendo el juego fàcil al neo-colonialismo que como podemos constatar, y en paricular en los Estado Unidos de Norte América, esperan de nosotros una presencia de buenos inidos.
La mayorìa de los artistas latinoamericanos, pertenecen por formaciòn a la cultura occidental. Por tal motivo, no hay que sorprenderse que utilicen ese lenguaje.
Hay que evitar el ejemplo de esos artistas que realizan obra de corte tipicamente occidental, pero que les ponen indijenistas para satisfacer cierto esnobismo populista o para colmar la expectativa de las gentes que desean qua las cosas no cambien en nuestros paìses.
A pesar que ha sido educado preponderantemente dentro de la cultura occidental, la cohabitaciòn en el mismo paìs de dos o mas culturas hacen del latinoamericano un ser de frontera cultural.
La cultura occidental es la unica oficial, aùn si su implantaciòn sea minoritaria territorialmente, en particular en los paìses andinos.
Para conluir, quiero observar que nuestro pensamiento cartesiano se encuentra cotidianamenteconfrontado con un orden diferente, que generalmente es desconocido, el cual pertenece a la cultura aborigen. De este roce permanente y en algunos casos doloroso el artista latinoamericano nutre su diferencia, aùn en el caso en que su expresiòn es perfectamente internacionalista y occidental, como lo podemos constatar en la obra de Walter Barrientos.
Braun-Vega, Arcueil, 1 février 2005 www.braun-vega.com